Un album de photos consacré au village de Grignan est en ligne (ici).
Le charme méridional du village de Grignan n’est rien en regard de la majesté et du caractère unique que lui confèrent deux œuvres architecturales majeures : la collégiale Saint-Sauveur et le château.
L’édification de l’église Saint-Sauveur date des années 1535-1542. Érigée en collégiale en 1539 par le pape Paul III, sa façade Renaissance contraste avec l’intérieur qui appartient à la tradition gothique méridionale. Son implantation au flanc du rocher qui porte le château contribue à accentuer l’impression de grandeur et de magnificence du site, renforcée par la présence de deux puissantes tours carrées de façade et de hauts contreforts. Son toit sert de terrasse au château.
Le retable et la peinture du maître-autel, les boiseries du chœur, les autels latéraux et les fonts baptismaux, sont du xviième siècle. L’orgue est daté de la deuxième moitié du xviième siècle. La plaque commémorative située dans le chœur rappelle la mémoire de Mme de Sévigné, inhumée dans la collégiale le 18 avril 1696.
Construit sur une éminence dominant la plaine, le château de Grignan a connu de nombreux remaniements au fil des siècles. A la fin du xvème siècle et au xvième siècle, d’importants travaux sont entrepris pour moderniser le château médiéval et en faire une confortable demeure Renaissance. Au xviième siècle, le comte François de Castellane Adhémar, comte de Grignan, celui-là même qui épousa la fille de la marquise de Sévigné, réaménage et harmonise l’ensemble des bâtiments et édifie en 1688 une nouvelle aile. Le château subira de profondes dégradations à l’époque révolutionnaire. Les ruines du château sont acquises en 1838 par un notable de Grignan qui entreprend sa reconstruction. Des travaux de restauration sont entrepris au xxème siècle, à l’initiative de la nouvelle propriétaire des lieux, Mme Fontaine. Le département de la Drôme l’acquiert en 1979 et poursuit le programme de restauration de l’édifice et de ses collections.
Le lavoir public fut édifié en 1840 dans le style néoclassique, inspiré du temple de l’Amour du petit Trianon à Versailles.
Marie de Rabutin-Chantal, petite-fille de Jeanne de Chantal, naît le 5 février 1626 à Paris. En 1644 elle épouse le baron Henri de Sévigné. Françoise-Marguerite de Sévigné, sa fille, naît le 10 octobre 1646 et épouse en janvier 1669 le comte de Grignan. A l’automne 1669, le comte de Grignan est nommé lieutenant général du Languedoc. Madame de Sévigné écrit ses premières lettres à sa fille en 1671. Elle ne vint que trois fois au château de Grignan, , en 1672, 1690 et pour finir en 1694. A l'époque, le voyage de Paris prenait plus de quinze jours avec, de Lyon à Montélimar, une descente périlleuse du Rhône en coche d'eau. Elle mourut au château de Grignan le 17 avril 1696. Elle repose dans la collégiale Saint-Sauveur.
Madame de Sévigné se plaignait vivement du climat frigorifiant de Grignan. Il faut dire que nous étions en plein cœur du petit âge glaciaire, si bien décrit par Emmanuel Le Roy-Ladurie, âge qui prit fin, n’en déplaise à nos écolos modernes, avant les émissions récentes des gaz prétendument responsables du réchauffement climatique.
Citation
Une des plus célèbres lettres de la Marquise
A M. de Coulanges
A Paris, ce vendredi 15 décembre (1670).
Je m'en vais vous mander la chose la plus étonnante, la plus surprenante, la plus merveilleuse, la plus miraculeuse, la plus triomphante, la plus étourdissante, la plus inouïe, la plus singulière, la plus extraordinaire, la plus incroyable, la plus imprévue, la plus grande, la plus petite, la plus rare, la plus commune, la plus éclatante, la plus secrète jusqu'aujourd’hui, la plus brillante, la plus digne d'envie : enfin une chose dont on ne trouve qu'un exemple dans les siècles passés, encore cet exemple n'est-il pas juste, une chose que l'on ne peut pas croire à Paris (comment la pourrait-on croire à Lyon ?) ; une chose qui fait crier miséricorde à tout le monde, une chose qui comble de joie Madame de Rohan et Madame d'Hauterive ; une chose enfin qui se fera dimanche, où ceux qui la verront croiront avoir la berlue ; une chose qui se fera dimanche, et qui ne sera peut-être pas faite lundi. Je ne puis me résoudre à la dire ; devinez-la : je vous le donne en trois. Jetez-vous votre langue aux chiens ? Eh bien ! il faut donc vous la dire : M. de Lauzun épouse dimanche au Louvre, devinez qui ? Je vous le donne en quatre, je vous le donne en dix, je vous le donne en cent. Mme de Coulanges dit : Voilà qui est bien difficile à deviner ; c'est Mme de la Vallière. - Point du tout, Madame. - C'est donc Mlle de Retz ? - Point du tout, vous êtes bien provinciale. - Vraiment nous sommes bien bêtes, dites-vous, c'est Mlle Colbert. - Encore moins. - C'est assurément Mlle de Créquy. - Vous n'y êtes pas. Il faut donc à la fin vous le dire : il épouse dimanche, au Louvre, avec la permission du Roi, Mademoiselle, Mademoiselle de... Mademoiselle... devinez le nom : il épouse Mademoiselle, ma foi ! par ma foi ! ma foi jurée ! Mademoiselle, la grande Mademoiselle ; Mademoiselle, fille de feu Monsieur ; Mademoiselle, petite-fille de Henri IV ; mademoiselle d'Eu, mademoiselle de Dombes, mademoiselle de Montpensier, mademoiselle d’Orléans ; Mademoiselle, cousine germaine du Roi ; Mademoiselle, destinée au trône ; Mademoiselle, le seul parti de France qui fût digne de Monsieur. Voilà un beau sujet de discourir. Si vous criez, si vous êtes hors de vous-même, si vous dites que nous avons menti, que cela est faux, qu'on se moque de vous, que voilà une belle raillerie, que cela est bien fade à imaginer ; si enfin vous nous dites des injures : nous trouverons que vous avez raison ; nous en avons fait autant que vous.
Adieu ; les lettres qui seront portées par cet ordinaire vous feront voir si nous disons vrai ou non.
Parvis de la collégiale ouvrant sur le chemin menant au château