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20 juin 2009 6 20 /06 /juin /2009 18:38



Si les musées de province sont trop souvent méconnus, que dire des trésors artistiques de nos églises de village ?

 

Pour moi c’est devenu un réflexe,  je me promène dans un village ou un bourg, je pousse la porte de l’église. Je suis bien souvent récompensé. D’un style roman un peu maladroit jusqu’au baroque le plus sophistiqué, des œuvres émouvantes nous parlent de nous, de la vie, de la mort : joie d’entourer le nouveau-né, douceur maternelle, charité, miséricorde, angoisse, douleur, deuil et même professionnalisme, celui avec lequel les évangélistes de l’église de Goux-les-Usiers rédigent leur ouvrage !

 

Malheureusement la porte des églises est de plus en plus souvent close par mesure de prudence, les vols étant en progression. Il faut alors savoir être patient et passer plusieurs fois jusqu’à avoir la chance de la trouver ouverte.

 

Dans mon deuxième album (ici) je vous propose une sélection de photos que j’ai faites pour la plupart dans des petits, voire de tout petits villages en France, quelques unes dans des bourgs, jamais plus qu’une sous-préfecture.

 

Vous y trouverez L’Adoration des bergers de Zurbaran, de l'église de Campana en Corse, dont il était question dans l'article Promenade au musée des Beaux-arts de Lyon .

 

Ci-dessous, deux photos prises dans l’église Saint-Bach à Suze-la-Rousse : Sainte Anne et la Vierge et La Vierge et l'enfant.


 

 




 












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17 juin 2009 3 17 /06 /juin /2009 13:26


 

Les éthologistes, c'est-à-dire les observateurs des comportements animaux et humains, mettent en évidence des différences entre l'homme et l'animal.


La fonction impérative ou injonctive du langage sert à exprimer une demande.


En plus de cette modalité impérative, les mots, mais aussi les gestes, peuvent être dotés d'une fonction déclarative.

 



L’homme, très précocement, entre neuf et douze mois, appelle l’attention de son entourage sur des évènements rares, exceptionnels, de l’environnement proche.





Les animaux jamais, alors que pour cela ils n’ont pas besoin du langage.

 




Ainsi, quand un enfant de deux ans s'écrie en le montrant du doigt : « Avion ! », c'est pour indiquer à son entourage
qu'il a vu un objet,  que cet objet est un avion, qu'il sait le désigner,  qu'il souhaite que l'autre regarde. Autrement dit, l'enfant communique pour partager son intérêt pour un objet, une action ou une situation, en dehors de tout contexte de demande.

 

La fonction déclarative du langage est utilisée pour apporter une information sur le monde et l’échanger avec autrui.
Seul l’homme fait usage du mode déclaratif du langage.

 



Les animaux, y compris des chimpanzés que l’on a entraînés à l’utilisation de symboles graphiques, font un usage exclusivement injonctif des signaux.
Cet usage est d'ailleurs largement suffisant pour faire face aux nécessités biologiques de la reproduction, de la recherche de nourriture ou encore de l'évitement des prédateurs.

 

Un caractère est sélectionné non parce qu’il est bénéfique pour l’espèce mais parce qu’il est bénéfique pour l’individu.

 

Le langage humain, qui appelle l’attention des autres sur un objet ou un évènement, est altruiste. Pourquoi a-t-il été sélectionné ?

 



L’homme est un animal politique. On peut dire que sa niche écologique est la politique, c’est-à-dire les stratégies d’alliance.

 




Dans toutes les sociétés, lorsque les règles de politesse le permettent, l’homme cherche à prendre la parole, à se faire écouter, à faire reconnaître sa compétence oratoire et sa pertinence. Car il veut être reconnu pertinent pour être choisi comme allié.

 

Comme il y a une « lutte pour la vie » il y a une sorte de « lutte pour la pertinence ».

 

L’origine de la « tchatche » en somme !

 

On pourrait aussi parler des différences de comportement entre l’homme et l’animal le plus proche de lui, le chimpanzé. Cela mène assez loin.

 

Disons seulement quatre choses.


Le chimpanzé aussi est un animal politique, mais chez lui les alliances se nouent sur la base de la force physique.


Un chimpanzé, lorsqu'on lui barbouille une tache sur la face et qu'il se regarde dans un miroir, essaye de l'effacer en portant la main à son visage et non sur le miroir. Chez les animaux, seuls les grands singes  sont capables de cette performance. On a tendance à l'interpréter comme l'embryon d'une conscience réflexive.

 

Un chimpanzé perçoit qu’un congénère le regarde. Mais il se désintéresse de ce qu’un de ses congénères en regarde un troisième : il ne regarde pas un congénère regarder un autre congénère.

 

Un chimpanzé est capable de s’intéresser à ce qu’un des ses congénères « pense » de lui. Mais il est incapable de se représenter ce que voudrait dire : que pense Jojo de ce que pense Lulu de moi ? (En toute rigueur il vaudrait mieux remplacer le mot « penser » par le mot « percevoir »). L’homme, quant à lui, est capable de se poser ce genre de question jusqu’au cinquième degré au moins, certains scientifiques pensent même, jusqu’au septième.

 

Les éthologistes se méfient des interprétations qui prétendent pouvoir, derrière l’observation de comportements, déceler les représentations subjectives que l’animal objet de l’observation se fait de la situation dans lequel il est mis. Le plus souvent ces interprétations ne sont que des projections anthropomorphiques. Pour approcher les représentations animales, il faut mettre en œuvre des protocoles expérimentaux extrêmement subtils et coûteux. Les résultats sont donc assez peu nombreux.

 

Je ferai ici la critique sinon de l'étude dont je n’ai pu prendre connaissance du compte-rendu original conduite en 2008 aux USA sur des singes capucins, du moins de ce qui en a été rapporté dans des revues de vulgarisation.
 

Dans un premier temps deux singes capucins sont récompensés, pour une tâche à accomplir, par une tranche de concombre.

Dans un deuxième temps, un des deux singes est dorénavant récompensé par un grain de raisin, fruit dont les singes capucins sont très friands, l’autre toujours par une tranche de concombre. Celui qui est récompensé par la tranche de concombre manifeste activement sa désapprobation et refuse désormais d’accomplir la tâche.

 



L’interprétation rapportée par les vulgarisateurs est que cette expérimentation montre que le sentiment d’équité se manifeste chez les singes capucins. Les hommes ne seraient donc pas les seuls à éprouver ce sentiment. Dans l’évolution des espèces le sentiment d’équité, éminemment moral, aurait précédé l’apparition de l’Homme.

 




Mais une autre interprétation est parfaitement possible : les singes capucins éprouvent le sentiment de la jalousie. Qu’est-ce qui distingue la jalousie du sens de l’équité ? Ce n’est pas évident. Mais est-ce qu’un véritable sens de l’équité n’aurait pas été que le singe obtenant la récompense la plus convoitée, le grain de raisin, « se mette en grève » jusqu’à ce que son copain reçoive la même récompense que lui. Ce serait sans doute la manifestation d’un comportement véritablement moral, car non pas égoïste mais altruiste.

 
Cet exemple montre qu’il est très facile de sur-interpréter.

 
Et je prendrai le malin plaisir de conclure en mettant en évidence la naïveté d’un éminent universitaire, Michael Ruse, qui enseigne la philosophie dans une grande université américaine. Dans le numéro hors série de Science et Avenir de juin/juillet 2004 on lit sous sa plume la déclaration suivante : « J’ai des chiens à la maison et il me semble qu’ils possèdent un sens moral. […] ils manifestent de la culpabilité, même quand ils sont tout petits. Je rentre à la maison et, bien avant de découvrir une bêtise quelconque dans le salon, je sais que tel chien a fait quelque chose de mal : le regard détourné, la queue basse, il va dans une autre pièce. » Vraiment ? Ils ressentent de la culpabilité quand ils ont la queue basse ? Ça ne pourrait pas être aussi bien la crainte de se faire engueuler par le maître ?  Dans la société canine, la queue basse est un signe de soumission au chef de meute.



Bibliographie



Jacques Vauclair, L'intelligence de l'animal, in Université de tous les savoirs, Volume 2, Qu'est-ce que l'humain ? Éditions Odile Jacob

 








Jean-Louis Dessalles,
Aux origines du langage, une histoire naturelle de la parole, Éditions Hermès

 

 

 




 


L’homme, l’animal, les Lumières

Requiem pour les animaux abattus

L'élevage, l'abattoir et la Shoah

Universelle humanité

Guillaumet









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15 juin 2009 1 15 /06 /juin /2009 01:20




Jean Bricmont est un physicien Belge, actuellement
professeur de physique théorique à l'université catholique de Louvain. J’aime beaucoup Jean Bricmont quand il parle de science et d’épistémologie. Avec son collègue américain Alan Sokal, il a écrit un petit livre d’épistémologie sans prétentions, Impostures intellectuelles, absolument remarquable. La position des auteurs en faveur d’un « réalisme modéré » – qu’ils opposent au subjectivisme et au relativisme épistémologique ‒ ne peut-être, selon eux, au minimum, que celle des scientifiques et des philosophes des sciences, comme elle est celle de nous tous dans la vie quotidienne.

 




Le relativisme épistémologique prétend qu'il n'existe pas de propositions vraies puisqu'elles sont toutes relatives à un certain point de vue et qu'aucun point de vue ne jouit d'un statut privilégié.

 

Le subjectivisme philosophique estime qu’il n’y a pas de réalité objective car le sujet ne pouvant s’extraire de son esprit, la réalité ne peut être qu’une construction de son esprit.

 

Au relativisme épistémologique et au subjectivisme philosophique le réalisme modéré de Bricmont et Sokal répond par une formule frappante et incontestable (d'Alan Sokal) : « Quiconque croit que les lois de la physique ne sont que des conventions sociales est invité à essayer de transgresser ces conventions en se jetant de la fenêtre de mon appartement. (J’habite au 21e étage.) »

 

En simplifiant, on va dire que cette position épistémologique, fort raisonnable, est celle des rationalistes.

 

Cependant quand Jean Bricmont écrit : « La science moderne a permis d’élever les normes de ce qui peut être considéré un savoir véritable et, par là même, nous a permis de comprendre que le discours religieux est une pure illusion » on ne peut que devenir dubitatif. (Cf. article de Bricmont publié en décembre 2007 dans le quotidien Le Soir en cliquant sur http://imposteurs.over-blog.com/article-31735667.html )




L’amour, celui que l’on ressent pour son amoureux ou pour son amoureuse, ne relève pas de la science. Est-il pour autant pure illusion ? Ce n’est pas pour des raisons scientifiques que je suis amoureux de mon/ma partenaire. Le sentiment amoureux serait pure illusion si l’on suivait Jean Bricmont. Non, simplement l’amour ne relève pas du même ordre que la science.








Dans son livre Le capitalisme est-il moral ? André Comte-Sponville explique de façon très simple et très claire les différents ordres et en quoi c’est un non-sens philosophique de les confondre et une erreur dans la vie pratique de ne pas être capable de les distinguer.

 







Revenons à la religion vue par Jean Bricmont. Dans le même article du Soir Jean Bricmont écrit :
En réalité, dans la mesure où les prescriptions religieuses nous paraissent morales, c’est uniquement parce qu’elles coïncident avec notre sentiment non religieux de bien et de mal et il en tire la conclusion que la religion n'apporte aucun éclaircissement sur le bien et le mal.

 

Cette proposition me paraît erronée. Si nous avions  un sentiment non enseigné, non transmis, du bien et du mal, il serait donc inné. Si ce sentiment était inné, on a du mal à concevoir qu’il n’ait pas été commun à tous les hommes. Donc les différentes religions auraient dû enseigner à peu près la même morale. Il n'en est rien. 

L’histoire et l’anthropologie le montrent à l’envie, il y a presque autant de morales que de religions.


Un exemple parmi beaucoup d’autres : dans la religion des Aztèques le sacrifice humain était non seulement admis moralement mais même recommandé. Dans toutes les religions modernes le sacrifice humain est religieusement interdit et moralement « spontanément » condamné.




On pourrait multiplier les exemples.


Le cannibalisme animiste a été proscrit aux îles Salomon par l’action des
missionnaires chrétiens et le cannibalisme est devenu aujourd’hui un sujet tabou chez les habitants de ces îles, car l’évoquer ranimerait des haines entre les descendants de celui qui a été mangé et les descendants de ceux qui l’ont mangé.



 

Jean Bricmont prétend que la religion n’apporte aucun éclaircissement sur le bien et le mal. Dans le sens scientifique du mot éclaircissement, personne ne le conteste, car personne n’a jamais pensé que les règles morales pouvaient être déduites de la connaissance scientifique. Mais si, dans ce sens restreint, la religion n’apporte pas d’éclaircissement sur le bien et le mal, elle a toujours apporté un enseignement. Cet enseignement n’est ni sans effet pratique ni sans valeur. De ce point de vue il n’est pas possible de renvoyer les religions au monde des superstitions et des illusions. Sur la question du bien et du mal, les religions sont porteuses d’enseignement et de sens, donc d’éclaircissement. On peut, et on doit, discuter ces éclaircissements, mais on ne peut nier qu’ils existent et renvoyer à une morale prétendument spontanée et portée en tout homme, depuis toujours et pour toujours.

 



Sur ce sujet, l’anthropologie nous en apprend bien plus que le rationalisme étroit de Jean Bricmont.
 






                                    René Girard

À suivre…

Bibliographie


Alan Sokal, Jean Bricmont, Impostures intellectuelles, Le Livre de Poche, biblio essais







André Comte-Sponville, Le capitalisme est-il moral ?
Éditions Albin Michel





Le discours de réception à l'Académie Française prononcé par Michel Serres en réponse à celui de René Girard est une ex
cellente introduction à l'œuvre de ce dernier. On peut le lire en cliquant sur :
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11 juin 2009 4 11 /06 /juin /2009 23:40


Les musées de province sont trop souvent méconnus. Pourtant on y éprouve l'émotion procurée par de grands chefs-d’œuvre.

 




C’est pourquoi j’ai mis en ligne un album de photos que j’ai prises récemment au Musée des Beaux-arts de Lyon, installé dans le Palais Saint-Pierre, magnifique bâtiment du xviie siècle (ci-contre sculptures décorant le réfectoire).

 





Pour ma part, outre le musée de Lyon, je ne connais, des grandes villes françaises de province, que le musée de Grenoble et celui de Rennes. A ceux qui auront l’occasion de séjourner dans ces villes, je ne saurais trop recommander de les visiter. Mais je sais bien qu’il y en a d’autres, dans d’autres villes.

 

On trouve aussi des œuvres admirables dans des petits musées de petites villes telles que Villeneuve-lès-Avignon, Pont-Saint-Esprit, Ornans... sans compter un merveilleux Zurbaran dans l'église du petit village de Campana, perdu quelque part en Corse.

 

Ci-dessous une Annonciation de Nicolas Mignard, une Visitation de Philippe de Champaigne et un Couronnement de la Vierge d'Enguerrand Quarton, tous exposés au musée Pierre de Luxembourg de Villeneuve-lès-Avignon.

 






































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8 juin 2009 1 08 /06 /juin /2009 23:29





Antoine Waechter aurait déclaré un jour que, s’il y avait eu des écologistes au xixe siècle, ils se seraient opposés au chemin de fer.
J’aime bien Antoine Waechter : c’est mon écologiste préféré, car il dit tout haut, il nous dévoile, l’informulé de l’écologisme.





Pour les jeunes générations qui ne sauraient pas qui est Antoine Waechter, il est un peu l'ancêtre, au sens politique du mot, le mammouth quoi, de l'éléphant Daniel Cohn Bendit.

Avec le principe de précaution, d’invention récente, et dont la formulation officielle défie la logique et le bon sens – alors ne parlons même pas de son acception courante dans laquelle il devient principe d’immobilisme ‒ la liste serait bien longue des progrès dont bénéficie l’humanité qui auraient été laissés au placard.


Gageons que si on avait mis en application le principe de précaution, on n’aurait développé ni la vaccination – inoculer le germe de la maladie, vous n’y pensez quand même pas ! ‒ ni le gaz à tous les étages – les explosions domestiques ont fait un nombre incalculable de victimes, dont bien des innocents, si l’on pense aux malheureux voisins des imprudents qui avaient oublié de fermer leur compteur avant de partir en vacances ! ‒ ni l’énergie nucléaire, qui a jusqu’ici fait bien moins de victimes que le charbon avec ses coups de grisou et ses silicosés.


 


 

 

 

Le DDT a sauvé des millions de personnes de la malaria et on a évalué que l’abandon de son usage, sous la pression de l'opinion écologiste,  a conduit au résultat merveilleux de plus de quarante millions de morts – humains, j’entends  ‒  de cette maladie.



 



Pour l’instant des millions d’hectares sont régulièrement semés aux États-Unis avec des OGM. On n’a pas connaissance de victimes chez les consommateurs américains.


 

Le coton transgénique permet d’économiser 70 % de pesticides, c’est toujours ça qui ne se retrouve pas dans la « nature ». Il permet aux paysans asiatiques qui l’utilisent d’accroître leur revenu, jusqu’à le quintupler, malgré le coût supérieur des semences. Il n’y a donc pas que Monsanto et consort qui en tirent profit.


 



Les allergologues placent beaucoup d’espoirs dans la création de variétés anallergiques, notamment d’arachide et de blé. Mais pour cela il faut continuer les recherches et donc cesser de détruire les labos où on les expérimente.

 

Il n’est pas étonnant que, jusqu’à la récente crise, les Américains aient connu un taux de croissance plus élevé que la vieille Europe. Ils croient encore au progrès technique alors que nous ne sommes plus capables que d’être une Europe assoupie et craintive.


 





Je recommande la lecture du roman
Pourquoi j’ai mangé mon père,
de Roy Lewis. Les ressorts psychiques et sociaux de la résistance au changement, en l’occurrence l’adoption de l’usage du feu dans une tribu paléolithique, y constituent la toile de  fond  de l’intrigue, avec un humour tout British. Il fait comprendre les inhibitions individuelles et collectives à l'innovation. Comme dit la sagesse populaire : On sait ce qu’on perd, on ne sait pas ce qu’on gagne. C’est un livre très drôle et il fait rire même les écologistes.











Pour donner envie de lire Pourquoi j'ai mangé mon père de Roy Lewis, extrait de la présentation de l'éditeur, sur Amazon :

Vercors a ri, Théodore Monod a ri, tout le monde salue l'humour dévastateur et ethnologique de Roy Lewis. Utilisant avec réussite le principe ancien qui consiste à transposer dans une époque (la préhistoire), la pensée d'une autre (la nôtre), Roy Lewis nous conte les efforts de nos ancêtres les demi-singes dans leur lutte acharnée pour la survie et la prospérité de l'espèce. Voilà que nos ancêtres sont à la croisée des chemins, face à une nature hostile et à une foule de prédateur. Un tournant de l'évolution qu'il est crucial de négocier en douceur, sous peine d'extinction. Or, voilà qu'Édouard, hominien à l'esprit éclairé, découvre le feu. Une trouvaille qui sauve la famille certes, mais déplaît fort à son frère Vania, qui prédit la fin du monde, milite pour la viande crue et le retour dans les arbres... Roy Lewis fait ici de l'anachronisme sa seule loi et revisite avec brio les grands thèmes de société : l'éducation, le rôle de la femme ou l'éternel combat entre progressistes et réactionnaires. (…)

Principe de précaution (billet d'humeur)














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6 juin 2009 6 06 /06 /juin /2009 16:10

 

 

Le 1er avril 2008 en plein débat parlementaire sur les OGM, en application du Grenelle de l’environnement, deux interviews de leaders anti-OGM paraissaient, l’une dans le Figaro, l’autre sur le site web Agrisalon, spécialisé dans l’information agricole.

 

Dans la dépêche d’Agrisalon,
il est rapporté que Lylian le Goff, médecin et spécialiste des biotechnologies à la Fondation Nicolas Hulot et à la Fédération France Nature Environnement, avait déclaré : Le débat a été faussé par les aspects scientifiques. Et moi qui croyais que la science éclairait les débats plutôt qu’elle ne les faussait. Je dois être un grand naïf, pour ne pas dire un imbécile. Ce qui me rassure c’est que je crois ne pas être seul dans ce cas.

 



Dans l’interview accordée au Figaro, Hervé Le Meur, président d'OGM Dangers déclare : Avec les OGM et les techniques toujours plus complexes qui laissent toujours moins de place à l'humain, au fragile, au mortel, à la maladie, à la faiblesse, nous voyons là une tendance lourde de nos sociétés industrielles. Celles-ci veulent plus de technique, concrètement plus de machines, alors que nous voudrions plus d'humanité. Cette déclaration revient à dire que plus d'humanité c'est plus de fragilité, plus de mortalité, plus de morbidité et plus de faiblesse... ça se passe de commentaire.

 

Par ou l’on voit que de ces deux « responsables » anti-OGM : 

- le premier est favorable à l’obscurantisme, puisqu’il refuse que la science éclaire le débat,


- et l’autre déteste l’humanité, puisqu’il lui veut plus de maladie et plus de mortalité.


En l’occurrence pour ces deux là, l’enfer est pavé de mauvaises intentions.
Comment faire confiance à ce qu’ils avancent par ailleurs contre les OGM ?

 

 

Bibliographie

 

Les deux articles sont encore en ligne. (Pour combien de temps ?)

 

Les OGM, à quelles conditions ? La parole aux députés :
http://www.agrisalon.com/06-actu/article-20231.php

 

OGM : le point de vue d'Hervé Le Meur : http://www.lefigaro.fr/debats/2008/03/31/01005-20080331ARTFIG00591-ogm-le-point-de-vued-herve-le-meur.php







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5 juin 2009 5 05 /06 /juin /2009 18:27



Dans son Cours familier de philosophie politique Pierre Manent expose de façon lumineuse deux conceptions de la morale, tenue l’une par Jean-Jacques Rousseau, l’autre par Emmanuel Kant. Ces deux philosophes des Lumières ont profondément marqué notre monde moderne. Je vais essayer de résumer ces deux conceptions, la première fondée sur la pitié, la deuxième sur la dignité.


 






Pour Jean-Jacques Rousseau, dans la pitié sensible, physique, je communique immédiatement avec l'autre, car la souffrance de l'autre, je sais que je pourrais aussi l'éprouver, je ne l'éprouve pas et j'éprouve le plaisir de ne pas souffrir. La pitié a donc deux composantes égoïstes : la peur de souffrir et le plaisir de ne pas souffrir. Fonder une morale sociale sur la pitié n'a donc rien d'utopique.







 





Pour Kant, la dignité réside dans le rapport de l'homme à la loi morale, une loi qu'il se donne à lui-même, à l'égard de laquelle il éprouve un sentiment de respect, qu’il découvre en soi et qu’il ne peut pas effacer. Respecter la dignité de l'autre homme, c'est respecter le respect qu'il ne peut pas ne pas avoir pour la loi morale en lui, fût-il le pire criminel, et le respect qu'il ne peut pas ne pas éprouver pour lui-même par suite de la présence en lui de la loi.

 









Quelles sont les conséquences de ces deux positions ?

 


Si la compassion est fondée sur la ressemblance, cette ressemblance n'est pas proprement humaine. En effet, s'il s'agit de prendre soin des êtres vivants qui souffrent, alors les animaux ont autant de droit à notre compassion que les hommes. Une morale fondée exclusivement sur la compassion tend donc à affaiblir la conscience et le sentiment de la spécificité humaine.


 


La dignité exige que l'homme ne puisse être utilisé par aucun autre homme simplement comme moyen. Il faut toujours qu'il le soit aussi comme une fin. C'est en cela que consiste sa dignité, grâce à laquelle il s'élève au-dessus des animaux, lesquels ne sont pas des êtres humains et peuvent être utilisés.



 

Pour dire les choses lapidairement, c’est l’aptitude au sens moral de tout homme qui fonde la dignité humaine et c’est le respect en chaque être humain de cette dignité qui fonde notre commune, universelle et distinctive humanité. Cette position philosophique rejoint d’ailleurs l’observation de bon sens que seul l’homme se pose la question morale, c'est-à-dire celle du bien et du mal, ce qui le distingue indubitablement de l’animal.

 


On peut remarquer que ce principe énoncé par Kant au xviiie siècle ne sera institué en norme juridique qu’en 1948 par la
Déclaration universelle des droits de l´homme, dont la première phrase est ainsi rédigée :

 
« Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. »

 

En effet, la position philosophique de Kant, à savoir que l’homme est le seul être moral, a beau relever du bon sens, elle est moins spontanée que la compassion.


 

Pourquoi ?



Parce que la compassion aurait des bases neurobiologiques.

 


Des études ont montré que lorsque nous voyons quelqu'un faire un geste, nous nous imaginons en train de faire le même geste sans en être conscients.

Les zones du cerveau activées lorsque nous voyons les gestes effectués par un autre recouvrent partiellement celles qui sont activées lorsque nous faisons nous-mêmes ces gestes.

Autrement dit, une partie de notre cerveau imagine l'accomplissement de l'action dont nous sommes témoins, bien que ce soit inconsciemment et que la séquence motrice soit inhibée. (Les nourrissons semblent avoir le même système moins l'inhibition finale, ce qui les amène à imiter les autres.)



 




Cela pourrait expliquer ce résultat surprenant : en regardant les autres pratiquer un sport, on fait des progrès dans ce même sport, pas autant que ceux qui, en plus, s'entraînent pour de bon. C’est cependant pourquoi le visionnage de cassettes est entré dans l’arsenal des méthodes des entraîneurs sportifs.


 



On a aussi montré que la perception de la douleur est prise en charge par une structure spécialisée du cerveau et que la structure du cerveau qui traite l’expérience de la douleur d’autrui la recouvre en partie. Le fait que le spectacle de la douleur provoque en nous des émotions spécifiques résulte d'une stimulation de ce système.




 

Si la compassion est une de ces émotions spécifiques, alors la morale de la compassion a de beaux jours devant elle, car elle aurait un fondement neurobiologique. Je ne veux pas dire par là que la compassion soit un sentiment à rejeter. Je veux signifier qu’en rester au niveau de la compassion est insuffisant. Si on en reste à la seule compassion on risque d’être conduit à bien des bêtises, notamment dans les cas où il convient de peser le moindre mal. En effet, comme chacun sait, l’enfer est pavé de bonnes intentions et Qui veut faire l’ange fait la bête.

 

 



N.B.

 

Si, à proprement parler, Descartes ne peut être rattaché aux Lumières, il a néanmoins profondément marqué la modernité. Aussi voudrais-je ici rectifier une erreur couramment entretenue à son sujet.

 

Descartes n’a pas prétendu que les animaux sont des machines insensibles qui ne souffrent pas. Il a dit que si l’on voulait comprendre le fonctionnement du corps humain ou animal, il fallait y appliquer les méthodes de la science, et le considérer comme une machine. Descartes se réfère à la machine comme modèle, car la mécanique était à peu près la seule science de la nature déjà bien assise de son temps. En fait, il posait ainsi les principes intellectuels indispensables au développement de sciences telles que l’anatomie ou la physiologie animales.








Bibliographie

 



Pierre Manent,
Cours Familier De Philosophie Politique, Éditions Fayard

 










Pascal Boyer, Et l'homme créa les Dieux, Éditions Robert Laffont

 










Paul Mazliak, Descartes, De la science universelle à la biologie, Éditions Vuibert









Requiem pour les animaux abattus
L'élevage, l'abattoir et la Shoah
Universelle humanité
Guillaumet








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2 juin 2009 2 02 /06 /juin /2009 23:18




Tibère, successeur direct d'Auguste, est bien connu pour avoir régné du temps où un certain Ponce Pilate officiait comme procurateur dans un territoire lointain et excentré, dont une des principales villes s'appelait Jérusalem. Une sorte de neuf-trois de l'Empire, en somme.






Mais ce qu'on ignore le plus souvent c'est qu'une crise financière d'une gravité équivalente à celle des subprimes a secoué Rome, sous son règne, en l'an 33 ap. J.-C.




Écoutons Tacite, qui nous en fait le récit dans les Annales.








Cependant, un grand nombre d'accusateurs se déchaînèrent sur les gens qui accroissaient leur fortune par le prêt à intérêt, contrairement à une loi du dictateur César fixant les limites des créances et des propriétés en Italie, une loi qui, depuis longtemps, n'était plus respectée parce que l'on fait passer l'intérêt privé avant le bien public. L'usure fut de tout temps le fléau de cette ville, et une cause sans cesse renaissante de discordes et de séditions. Aussi, même dans des siècles où les mœurs étaient moins corrompues, on s'occupa de la combattre. D'abord, en effet, les Douze Tables avaient interdit d'exiger un intérêt supérieur à un douzième*, qui, auparavant, n'avait de bornes que la cupidité des riches ; puis, sur une proposition de loi déposée par les tribuns, on le réduisit à un demi-douzième ; finalement, les emprunts à intérêt furent interdits. De nombreux plébiscites tentèrent d'empêcher les infractions qui, tant de fois réprimées, se reproduisaient avec une merveilleuse adresse. Le préteur Gracchus, devant qui se faisaient les poursuites dont nous parlons ici, fut effrayé du grand nombre des accusés et consulta le sénat. Les sénateurs alarmés (car pas un ne se sentait irréprochable) demandèrent grâce au prince. Leur prière fut entendue, et dix-huit mois furent donnés à chacun pour régler ses affaires domestiques comme la loi l'exigeait.




D'où pénurie de numéraire, du fait que toutes les créances furent mobilisées à la fois et parce que, en raison du grand nombre de condamnés et de la vente de leurs biens, l'argent monnayé était accumulé par le fisc ou le trésor public**. En outre, le sénat avait prescrit que chacun investît les deux tiers de l'argent, jusque-là placé à intérêt, en terres situées en Italie. Mais les créanciers réclamaient la totalité de ce qui leur était dû et il n'eût pas été honorable, de la part des débiteurs, de ne pas tenir leurs engagements. En vain ils courent, ils sollicitent ; le tribunal du préteur retentit bientôt de demandes. Les ventes et les achats, où l'on avait cru trouver un remède, augmentèrent le mal parce que les créanciers avaient employé tout leur argent à acheter des terres. L'abondance des biens à vendre ayant entraîné une baisse des prix, plus on était endetté plus on avait de mal à trouver acheteur et bien des gens voyaient leur fortune s'effondrer ; la ruine du patrimoine entraînait l'écroulement de la situation sociale et de la réputation, jusqu'au jour où Tibère mit à la disposition des banques une somme de cent millions de sesterces, avec la faculté de prêter sans intérêt pendant trois ans, si le débiteur fournissait à l'État en bien-fonds une caution du double. Ainsi le crédit se trouva rétabli et peu à peu il y eut même des particuliers pour prêter.
 

* Un douzième par mois, soit 100 % par an !
** Le produit de la vente des biens confisqués aux condamnés pour crime de lèse-majesté, principalement, était versé, après déduction de la récompense légale pour l'accusateur, soit au trésor particulier de l'empereur (fiscus), soit au trésor géré par le sénat (aerarium).


Par où l'on voit que les crises financières sont bien plus anciennes que le néo ou l'ultralibéralisme accusés de tous les maux par certains de nos contemporains !!!

Dans un cas une restriction trop drastique du crédit conduit à la crise, dans l'autre cas c'est le crédit accordé trop abondamment. Mon pauvre Monsieur, l'économie politique c'est bien compliqué ! Est-il bien raisonnable de laisser les idéologues faire joujou avec ?



Bibliographie



Tacite, Annales. Chapitre VI. XVI - XVII. Coll. Folio












                                                                     La mort de Tibère

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1 juin 2009 1 01 /06 /juin /2009 23:21



 En 2001, aux Pays-Bas, durant l’épisode de fièvre aphteuse qui a touché l’Europe de l’ouest, alors qu’on abattait de nombreux animaux pour prévenir l’extension de l’épizootie,  il a été appelé à une manifestation de protestation contre le massacre des innocents.






A cette occasion des poètes et des chanteurs ont composé chacun un requiem pour les animaux abattus.



Le massacre des innocents est un passage célèbre du Nouveau Testament. Un requiem est une prière dite pour la paix de l’âme d’un défunt. Cette manifestation avait donc un arrière-fond religieux.



En 2004, la société royale de prévention contre la cruauté envers les animaux a invité les chrétiens britanniques, lors d’un office dominical, à consacrer une prière au salut de l'âme des animaux qu'ils consomment. L'auteur de la prière était titulaire à l'université d'Oxford de la première chaire au monde de théologie et bien-être animal.





Ces discours postmodernes voudraient nous conduire à penser que le Dieu des Juifs et des Chrétiens ne s’intéresserait pas seulement à condamner la cruauté envers les animaux* mais nous demanderait aussi de nous préoccuper du sort de leur âme supposée, en contradiction avec toute la tradition hébraïque et chrétienne.


Quel intérêt y-a-t-il à se préoccuper de cette tradition ?



Je pense que pour comprendre une civilisation, une culture, on ne peut se passer de revenir à ses textes fondateurs. Même s’ils ne sont plus guère lus, ils ont nourri cette culture pendant des générations. Les élites, en l’occurrence les théologiens, les philosophes, les moralistes, les juristes, les savants, les artistes, les écrivains, les poètes, ont lu et relu ces textes, les ont disséqués, les ont incorporés dans leur vision du monde, qui s’est diffusée ainsi à la société tout entière et aux générations successives, y compris la nôtre. 

 


Je ne sais si on lit encore beaucoup Confucius en Chine, mais il est difficile de comprendre la société chinoise d’aujourd’hui si on ignore Confucius. Nous ne lisons pas nous-mêmes Confucius, mais si des spécialistes de la Chine nous parlent de celle-ci sans l’avoir lu, c’est qu’ils n’ont pas vraiment fait leur boulot, et que ce sont de piètres spécialistes, car la Chine contemporaine est encore marquée par la pensée de Confucius

 



Pour l’Occident, il en est de même. Et quand bien même les militants de l’anticléricalisme s’en défendent, quand bien même les militants catholiques traditionalistes s’en défendent tout autant ‒ bien qu’en sens inverse ‒ les valeurs modernes d’égalité, de démocratie et des droits de l’homme sont issues des valeurs véhiculées par le christianisme, même s’il a fallu plusieurs siècles et de nombreux soubresauts pour qu’elles s’épanouissent.

 


Dieu dit : “Faisons l’homme à notre image, à notre ressemblance, et qu’il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur le bétail ; enfin sur toute la terre, et sur tous les êtres qui s’y meuvent.” Dieu créa l’homme à son image ; c’est à l’image de Dieu qu’il le créa. Mâle et femelle furent créés à la fois. Dieu les bénit en leur disant : “Croissez et multipliez ! Remplissez la terre et soumettez-la ! Commandez aux poissons de la mer, aux oiseaux du ciel, à tous les animaux qui se meuvent sur la terre !”
 

 

Il n’est pas nécessaire d’être croyant pour comprendre que ces versets fondent à la fois l’éthique de l’occident judéo-chrétien et son rapport à la nature et aux animaux.

 


En posant l’homme, et seulement l’homme, comme créé à l’image de Dieu, ce texte affirme la dignité de l’humanité et de la seule humanité. En effet seul l’homme a Dieu pour interlocuteur et il est donc le seul porteur de la dignité que confère ce dialogue avec Dieu.

 


En creux il nous suggère qu’élever l’animal à la dignité de l’homme reviendrait à ramener l’homme à l’animalité.

 





Le principe de la seule dignité humaine est la pierre angulaire de l’humanisme occidental. C’est un axiome philosophique ou religieux. On peut ne pas y adhérer mais il ne peut trouver ses fondements ni sa contradiction dans la science car il relève de la morale.

 

Cette singularité de la dignité humaine a longtemps été reprise par la tradition théologique et philosophique de l’Occident, à quelques rares exceptions près.

  











C’est bien cette tradition qui, en Occident, est à la source du caractère sacré de la personne humaine, de l’humanisme moderne, de la démocratie et des droits de l’homme.
 

 



* Toutefois, aucune créature, tant que son sang maintient sa vie, vous n’en mangerez.


Bibliographie

Ancien Testament
Gen 1, 26 - 28
Gen 9, 1 - 7
L'élevage, l'abattoir et la Shoah
Universelle humanité
Guillaumet







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26 mai 2009 2 26 /05 /mai /2009 14:05



La première croisade fut entreprise pour libérer Jérusalem de l’emprise des Turcs Seldjoukides et rétablir la possibilité pour les chrétiens d’effectuer le pèlerinage à Jérusalem interdit par les maîtres des lieux musulmans.
Après la prise de Jérusalem par les Croisés en 1099 tous les problèmes ne furent pas résolus pour autant. Entre le port où ils débarquaient, Acre le plus souvent, et Jérusalem, les pèlerins faisaient fréquemment l’objet d’attaques, dont les visées étaient couramment le brigandage.



 

 






Fin 1119 – début 1120, l’ordre du Temple fut fondé par deux chevaliers français, Hugues de Payns et Geoffroy de Saint-Omer, sous le nom de l'ordre des pauvres chevaliers du Christ et du Temple de Salomon (en latin pauperes commilitones Christi Templique Solomonici). La mission assignée à l’ordre était de protéger les pèlerins sur les routes de Terre sainte menant à Jérusalem.




 






L’ordre était un ordre religieux et militaire. Religieux, car ses membres prononçaient les voeux de pauvreté, chasteté et obéissance et suivaient une règle. Ce n’étaient pas, comme on l’a souvent écrit à tort, des moines-soldats, car ils ne vivaient pas une vie monastique, ils vivaient dans le siècle.
 



 



Après une procédure de reconnaissance pontificale achevée en 1129, l’ordre prit son essor et connut son apogée au xiiie siècle.

 




L’ordre reçut de nombreuses donations et bénéficia de legs. Il fallait financer les chevaliers qui se battaient en Orient, leur cavalerie, leur armement et la construction de leurs forteresses. Cela coûtait fort cher. Les Templiers stationnés en Occident, organisés en commanderies, constituaient l’arrière et avaient pour mission de procurer les fournitures et les financements nécessaires aux combattants. Ils durent, nécessité faisant loi, se montrer d’habiles gestionnaires.

 










Ils réorganisèrent de façon rationnelle, par voie d’échanges, de ventes et d’achats, les bien-fonds dont ils avaient hérité un peu au hasard. Un remembrement avant l’heure, en somme !


 

Ils favorisèrent la production agricole sur leurs terres. Ils furent d’actifs défricheurs. Le grand mouvement de défrichement des xiie et xiiie siècles attribué aux ordres monastiques fut l’œuvre des Cisterciens d’une part et des Templiers de l’autre. Comme ils constatèrent qu’un paysan libre était beaucoup plus productif qu’un serf, à chaque fois que cela leur fut possible sans heurts trop violents avec l’aristocratie locale, ils émancipèrent leurs serfs. Ils pratiquaient le métayage mais ils avaient une préférence pour le fermage, qui mettait leurs revenus à l’abri des aléas des récoltes.




 

Ils favorisèrent les progrès techniques, aussi bien dans l’agriculture que dans l’élevage, lequel était nécessaire à la fourniture de montures et de laine aux chevaliers combattants d’Orient. Idem pour toutes sortes d’activités artisanales utiles à l’exploitation de leurs domaines ou à la fourniture « aux armées ».



 





Comme ils étaient, du fait de leur vœu d’obéissance, mobilisables très rapidement, bien plus rapidement en tout cas que les vassaux qui ne disposaient pas d’armée permanente d’une part et qui n’en faisaient plus ou moins qu’à leur tête malgré leur serment de fidélité d’autre part, ils furent très appréciés par les chefs des États latins d’Orient pour leur appui dans les guerres contre les musulmans. Leur mission habituelle et statutaire d’accompagnateurs sur les routes de Palestine conduisit à ce qu’on leur confia le plus souvent l’avant-garde ou l’arrière-garde des armées en déplacement, ce qui les exposa à de nombreux combats. Disciplinés, ils se montrèrent d’excellents soldats. On peut dire qu’après la disparition des Légions romaines, plusieurs siècles plus tôt, ils réinventèrent la discipline militaire moderne.




 

 



Ils avaient l’habitude de transporter les marchandises et l’argent vers l’Orient. L’expérience acquise les conduisit à faire ce genre d’opération pour le compte d’autrui. Pour faciliter les mouvements, ils inventèrent la lettre de change. Ils rendirent aussi le service de mettre de nombreux trésors, y compris le trésor royal, sous la très efficace protection de leurs coffres et forteresses. S’ils n’inventèrent pas la comptabilité à partie double, leurs clients étaient néanmoins fort satisfaits de la façon dont leurs comptes étaient scrupuleusement tenus. Ils furent donc d’efficaces et inventifs banquiers.





 

 



Après la disparition du dernier royaume franc de Palestine, avec la chute de Saint-Jean d’Acre
le 16 juin 1291, la pérennisation de l’ordre devenait difficile à justifier.




Le 13 octobre 1307 tous les Templiers du royaume de France furent arrêtés par ordre du Roi. Le Temple fut la victime de Philippe le Bel, réformateur et instaurateur implacable d’une monarchie qui ne voulait pas de concurrents à son pouvoir.







L'ordre, sans être condamné, fut dissout en 1312 par le pape Clément V.









En 1314 son grand maître Jacques de Molay, et Geoffroy de Charnay, déclarés relaps, furent brûlés à Paris sur l'île aux Juifs. 
 











Il n’est pas le lieu ici d’entrer dans cette histoire de la fin du Temple, sauf pour regretter qu’elle ait fait l’objet d’ouvrages de vulgarisation bien plus souvent que ça n’a été le cas de  l’œuvre modernisatrice accomplie par l’ordre sur les plans militaire, technique, social, économique et financier, durant plus d’un siècle et demi.

 

Lire aussi l'article Richerenches, village templier

Bibliographie

 


Alain Demurger, Les Templiers : Une chevalerie chrétienne au Moyen Age, Éd. du Seuil

 







Laurent Dailliez, Les Templiers, Éd. Perrin

 









Michel Lamy
, Les Templiers
, Éd. Aubéron






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