Le début d’hiver assez précoce et plutôt froid que nous venons de connaître a suscité dans la presse française des réactions étonnantes de sophistication rhétorique.
La première, sur laquelle je passerai assez vite, a été : « Sil n’y avait pas le réchauffement climatique il ferait encore plus froid ». Argument d’une faiblesse insigne, dont la logique permet de justifier tout et n’importe quoi.
C’est le genre d'affirmation dont se moquent les habitués du petit blanc au comptoir du Café du Commerce en lançant : « Et si ma tante en avait, on l’appellerait mon oncle ! »
Notons néanmoins que les journalistes ont prétendu avoir entendu cette explication de la bouche d’éminents scientifiques. Il doit y en avoir, journalistes ou scientifiques, qui ne se sentent plus trop bien dans leurs baskets de s’être engagés sans possibilité de retour dans l'impasse du réchauffement climatique.
Il y a eu une autre explication, qui a fait fureur, qui est en apparence moins absurde, mais n’en est pas moins un gros vilain mensonge.
Elle est apparemment venue d’une dépêche AFP, reprise dans Libération et le Nouvel Obs le 22 décembre, dans Le Figaro le 23 décembre, dans Le Monde et dans Science et Avenir le 24 décembre, dans Le Point le 28 décembre.
Selon le cas, l’article est ou non signé du journaliste chargé de la rubrique. Dans le premier cas, la responsabilité du signataire est clairement engagée.
Dans le second cas on peut reprocher au journal de mettre en ligne des dépêches AFP sans être trop regardant sur leur qualité (confraternité corporatiste oblige !).
Dans les deux cas, le résultat est le même : la désinformation des lecteurs.
Le cœur de l’explication rapportée fait l’objet d’infimes variations stylistiques, sans doute parce que les journalistes se sentaient légèrement gênés aux entournures. Mais il est toujours le même.
La formulation la plus claire étant celle de Stéphane Foucart du Monde, c’est celle que je rapporterai ici.
« Le mécanisme suggéré par [Vladimir Petoukhov et Vladimir Semenov, deux chercheurs des universités de Potsdam et Kiel] est simple. Schématiquement, la réduction de la banquise permet les échanges de chaleur et d'humidité entre l'océan et l'atmosphère. Avec moins de glaces flottant sur l'océan Arctique, l'atmosphère se réchauffe et s’humidifie aux hautes latitudes de l’hémisphère Nord. Où de hautes pressions peuvent plus facilement s'installer.
Celles-ci favorisent des vents de nord et de nord-est et "apportent un flux d'air polaire sur l'Europe", explique le climatologue et océanographe Stefan Rahmstorf (Potsdam Institute for Climate Impact Research). »
C’est un gros mensonge. Les journalistes prennent leurs lecteurs pour des demeurés et pensent sans doute que plus c’est gros, plus ça passe !
Petit rappel de physique des gaz et de l’atmosphère
L’air chaud, léger, s’élève et provoque des dépressions. Les plus fortes dépressions sont les dépressions tropicales d’été qui tournent en ouragans.
L'air froid, lourd, s’accumule sur lui-même. L’hiver, dans les régions polaires, il forme une colonne qui finit, sous son propre poids, par expulser des lentilles d’air froid qui, se baladant par le jeu des forces de Coriolis et des reliefs, viennent réfrigérer nos contrées de latitudes moyennes. Ce sont les anticyclones mobiles polaires.
Bon, si ça vous paraît un peu compliqué pour un début, résumons-nous :
- air chaud = air léger = air qui monte = dépression
- air froid = air lourd = air qui s’accumule sur lui-même = anticyclone.
Alors, expliquer que le réchauffement de l’air provoque des anticyclones, c’est plus que de la suffisance imbécile à la Diafoirus, c'est de l’abus de confiance, du mensonge, en somme une escroquerie à la Madoff.