Les idées d'un blogueur politiquement incorrect. Comment pourrait-il en être autrement, je suis un vieil humaniste kantien et qui dit kantien, dit con et réac !!! Histoire des idées, épistémologie, progrès technique, agriculture intensive, distinction homme/animal, réchauffement climatique, religion et science, etc. : ce blog n’épargne aucune des bienpensances de notre monde postmoderne idéologiquement formaté par l’émotion médiatique.
Il y a juste une semaine, le 1er juin, le ministre de l’agriculture a annoncé son intention d’interdire à brève échéance le Cruiser, insecticide utilisé pour la protection du colza.
Qu’est-ce que le colza ?
C’est une plante oléo-protéagineuse. Elle est cultivée en vue de produire de l’huile utilisée dans alimentation humaine ou dans l’industrie.
Par l'opération par laquelle on en tire de l'huile, on obtient également un tourteau riche en protéines, utilisé dans l’alimentation animale.
C’est une plante bien adaptée aux climats tempérés de beaucoup de régions européennes, contrairement au soja, autre oléo-protéagineux, qui demande un climat plus chaud et humide.
L’huile de colza avait fait parler d’elle il y a quelques années, accusée, à tort ou à raison, d’être nocive pour le cœur parce qu’elle contenait trop d’acide érucique.
Très vite les sélectionneurs ont réussi à créer dès variétés à faible teneur en cet acide, variétés dites zéro-érucique. Plus tard ils ont réussi à créer des variétés dont les tourteaux sont exempts d’agents antinutritionnels (glucosinolates) qui posaient des problèmes en alimentation animale. On parle donc de variétés double-zéro.
Qu’est-ce que le Cruiser ?
Le Cruiser est une préparation insecticide et fongicide, produite par la firme suisse Syngenta, qui, utilisée en enrobage des semences, protège le colza dans les premiers stades de sa vie végétative contre les attaques de certains ravageurs, tels que pucerons, tenthrèdes, petites altises, grosses altises adultes et contre le mildiou et la fonte du colza.
Le principe actif insecticide du Cruiser est le thiaméthoxam. C’est un insecticide dit systémique, autrement dit qui pénètre les tissus de la plante ce qui rend sa protection persistante. Lorsque le colza arrive au stade le la floraison il y a un peu de thiaméthoxam dans le nectar des fleurs.
Le thiaméthoxam est toxique pour les abeilles ; cela est écrit en toutes lettres dans la notice technique du Cruiser éditée par Syngenta.
Néanmoins le Cruiser a été homologué, car les essais préalables à son homologation ont montré qu’à la faible dose présente dans le nectar du colza on ne constatait pas de mortalité induite, autrement dit d’effet létal, chez les abeilles.
Des essais conduits récemment par l’INRA ont montré que, nourries avec un sirop sucré contenant du thiaméthoxam en concentration inférieure aux doses létales, les abeilles transportées à distance de leur ruche avaient du mal à en retrouver le chemin.
Fort légitimement, les pouvoirs publics ont sollicité l’agence officielle habilitée à leur donner un avis, l’Anses, afin de savoir si cette étude remettait en cause l’homologation du Cruiser.
Que dit l’avis de l’Anses ?
L'avis de l’Anses est très argumenté (15 pages). Il est élogieux sur certains aspects novateurs de l’expérience conduite par l’Inra, notamment l’utilisation de puces RFID miniaturisées pour évaluer le nombre d’abeilles revenues à la ruche.
Il est critique sur les tests statistiques utilisés pour évaluer la significativité des écarts observés entre les lots d’abeilles exposées au thiaméthoxam et les lots témoins. Les tests utilisés ne sont pas les bons. Le nombre d’écarts significatifs diminue si l’on utilise les bons tests.
Le modèle utilisé pour évaluer les conséquences démographiques sur la colonie des non retours d’abeilles est simpliste, purement théorique, n’est pas vérifié empiriquement et son utilisation dans le cas d’espèce n’est pas validée.
Cependant la principale critique que l’on trouve résumée dans la conclusion de l’avis de l’Anses est la suivante : l’exposition des abeilles au thiaméthoxam dans la réalité au champ est inférieure à la dose à laquelle elles ont été exposées dans cette expérimentation, bien qu’une exposition à des doses de ce niveau ne puisse être totalement exclue dans des circonstances exceptionnelles.
En outre on n’a constaté aucune conséquence démographique négative sur les colonies d’abeilles que ce soit dans les essais préalables à l’homologation du Cruiser ou depuis son utilisation commerciale, et ce malgré la mise en place de dispositifs d’observation.
L’Anses propose donc de poursuivre les expérimentations sur la base de la technologie RFID en faisant varier les niveaux d’exposition pour se rapprocher davantage des doses auxquelles les abeilles sont communément exposées, et en approfondissant les conséquences des effets observés sur la dynamique de la colonie d’abeilles.
L’Anses ne propose en rien de revenir dans l’immédiat sur l’homologation du Cruiser.
Que dit le ministre ?
Alors que l’Anses émet les plus grands doutes sur les effets du Cruiser sur les abeilles en situation réelle, qu’il convient de distinguer de la situation expérimentale, le ministre déclare : L’avis de l’Anses confirme l’effet néfaste observé d’une dose sublétale du produit concerné sur le retour à la ruche des abeilles butineuses.
Le ministre joue sur les mots. Dans l’expérimentation de l’Inra la dose à laquelle les abeilles ont été exposées est bien sublétale, mais ce n’est pas la dose à laquelle elle sont exposées en situation réelle.
Le ministre se propose donc, après le délai légal de quinze jours accordé au fabricant pour répondre, d’interdire le Cruiser.
Chacun jugera.
Mon jugement personnel
Les pesticides ont été diabolisés par la vulgate écologiste, diabolisation assez massivement adoptée par l’opinion.
Lorsqu’on est ministre d’un gouvernement issu d’une alliance entre un parti se prétendant encore progressiste et EELV, mouvement rétrograde et réactionnaire, trahissant ainsi les idéaux de progrès dont il se réclame, alors Vox populi, vox dei. J’appelle ça de la démagogie. Et ce n’est pas comme cela qu’on opérera le moindre redressement productif.
Ministre de l'agriculture terrassant le diable
Pour en savoir plus
Avis de l'Anses
Déclaration du minsitre de l'agriculture (communiqué)
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