La vulgate écologiste nous assène couramment que « l’explosion » du nombre de cancers serait due aux méfaits de la pollution et à notre environnement saturé de produits chimiques de synthèse.
C’est en tout cas ce que prétendent des militants parmi lesquels on peut citer :
L’écologiste Armand Farrachi auteur, avec Geneviève Barbier, psychanalyste (!), du livre à sensation La société cancérigène.
Le Professeur Dominique Belpomme, président de l’Association pour la recherche thérapeutique anticancéreuse (ARTAC) qui se présente elle-même comme étant la seule association française de lutte contre le cancer à promouvoir une prévention environnementale.
Le documentariste anti-pesticide et militant de l’alimentation bio, Jean-Paul Jaud (Nos enfants nous accuseront).
Le psychiatre Daniel Servan-Schreiber, qui a accusé l’eau du robinet d’être cancérigène.
En revanche, le Professeur Maurice Tubiana a contribué à la création par le Général de Gaulle en 1964, à Lyon, du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) dépendant de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS).
Ce centre est chargé d’étudier l’effet potentiellement cancérigène des milliers de substances chimiques introduites dans la société. C’est le plus grand centre au monde de recherche épidémiologique sur le cancer. Il a à son actif un nombre impressionnant de travaux et de publications.
En 2004 l’intensification de la communication écologiste sur le cancer a conduit Maurice Tubiana à s’exprimer publiquement à plusieurs reprises pour contester ce discours.
Il est intervenu dans l’émission Science Culture du 27 avril 2004, sur France Culture, où il était opposé à Armand Farrachi.
Avec Catherine Hill il a publié un article dans le journal Les Échos du 20 août 2004.
J’ai rédigé un verbatim de l’émission et j’ai gardé une copie de l’article des Échos.
En 2007 un rapport sur les causes du cancer en France a été publié par l'Académie de médecine, l’Académie des Sciences, et le Centre international de recherche sur le cancer, en association avec la Fédération des centres de lutte contre le cancer, l'Institut de veille sanitaire et l'Institut national du cancer.
Le présent article puise à ces trois sources.
La fréquence des cancers croit très rapidement avec l'âge après 45 ans. Le nombre de cancers s’accroit du fait de l’augmentation de la part de la population âgée. Au XIXe siècle, l'espérance de vie des Français était de 45 ans et les cancers ne causaient que 5 % des décès. Cette espérance est montée à 79 ans. La part des décès par cancers a donc progressé, pour atteindre 25 % du total.
Pour juger de l’évolution de la mortalité par cancer il faut examiner la mortalité dans chaque tranche d’âge et considérer une population dans laquelle la proportion d’habitants dans chaque tranche d’âge serait restée constante.
Après avoir procédé à cette standardisation, on constate que la mortalité par cancer chez les femmes a diminué constamment, de 24% entre 1950 et 2004, alors que chez les hommes elle a augmenté de 47% de 1950 à 1985, puis a diminué de 21% de 1986 à 2004.
Les progrès de la thérapeutique ne suffisent pas à expliquer la diminution constatée.
L’évolution du nombre de cancers est très liée au progrès des méthodes de diagnostic et au développement de leur utilisation. La mammographie, le dosage antigénique et l’écographie permettent de déceler de très petits cancers du sein, de la prostate et de la thyroïde qui auraient été ignorés auparavant.
Or beaucoup de ceux-ci évoluent très lentement. Cela explique l’écart entre l’évolution du nombre des cancers, qui a augmenté, et l’évolution de la mortalité, qui diminue.
Dans les pays industrialisés, trois agents sont les principales causes de cancers : le tabac, l'alcool et la surnutrition.
En France
Le tabac est responsable de 27 % des cancers et de 33 % des décès par cancer chez l’homme et respectivement de 6,1 % des cancers et de 9,6 % des décès chez la femme.
L’alcool est directement responsable de 11 % des cas de cancer chez l'homme et de 4,5 % chez la femme.
Les agents infectieux sont à l’origine de 4,2 % des cancers, l’exposition professionnelle aux toxiques (amiante, poussières de bois, peintures, benzène, huiles minérales, rayonnements ionisants…) de 4 % des cancers chez l'homme et 0,5 % chez la femme.
Le surpoids et le manque d'activité physique sont en cause dans 3 % des cancers de l'homme et 5 % de ceux de la femme.
La proportion de cancers liés à la pollution de l’eau, de l’air et de l’alimentation est faible en France, de l’ordre de 0,5 %, elle pourrait atteindre 0,85 % si les effets de la pollution de l’air atmosphérique étaient confirmés.
Dans l’état actuel des connaissances, ne peuvent être considérés comme cancérogènes avérés : habitat proche de sources de pollution (industrielles, dépôts de déchets, incinérateurs), dioxines, rayonnements non ionisants autres que les UV, téléphones portables, antennes de téléphonie mobile.
Quelques réflexions de Maurice Tubiana sur les relations entre environnement et cancers
La mortalité par cancer est deux fois plus élevée chez les hommes que chez les femmes. Pourtant les hommes boivent la même eau, respirent le même air et mangent les mêmes aliments que les femmes.
On constate une mortalité par cancer de l’œsophage dix fois plus élevée, et par cancer des poumons trois fois plus élevée, chez les manœuvres que chez les cadres qui travaillent dans les mêmes usines. Ceci a vraisemblablement des causes sociales : moindre attachement à la vie, moindre intérêt à préserver sa santé, moindre résistance aux addictions.
La mortalité par cancers et autres maladies de l'appareil respiratoire n'est pas plus élevée dans les grandes agglomérations que dans les petites et y est même plutôt moins élevée.
La division par quatre de l'incidence des cancers de l'estomac depuis 1950 est liée à l'amélioration de la qualité des produits alimentaires grâce au réfrigérateur et à la chaîne du froid.
Aucune donnée ne montre un effet cancérogène des produits présents dans l'alimentation aux concentrations fixées par des comités d'experts français et européens. La plupart des polluants incriminés ont fait depuis vingt ans l'objet de recherches qui n'ont pas confirmé les craintes initiales.
Bibliographie
Le rapport Les causes du cancer en France