En décembre 2007 l’UFC-Que choisir de Caen interroge l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments (Affsa) sur les risques d’utilisation de poêles et de casseroles comportant un revêtement antiadhésif (disons pour simplifier, nom commercial : teflon, nom scientifique : PFOA).
En se préoccupant de cette question, L’UFC-Que choisir fait très normalement son travail de défense des consommateurs.
L’Afssa rend son avis en mars 2009. Cet avis est fondé sur les études disponibles portant sur les effets des substances en cause sur le développement, la reproduction, le cancer et les mutations génétiques, chez les rongeurs et les singes. Il prend également en compte des études épidémiologiques et les analyses faites par les instances compétentes de différents pays, de l’Agence Européenne de Sécurité des Aliments (AESA) et de l’OCDE. De plus l’Afssa évalue les risques sur la base d’une exposition des consommateurs résultant de la consommation quotidienne par personne d’un kilogramme d’aliments cuits au contact de ces matériaux.
L’Afssa publie ses conclusions dans le numéro de juillet 2009 de sa revue à - PROPOS destinée au grand public. L’exposition du consommateur liée à la migration des molécules concernées à partir des matériaux en cause reste largement inferieure à la dose journalière tolérable.
L’avis intégral est lui même mis en ligne sur le site de l’AFSSA le mardi 29 septembre 2009. La conclusion en est très claire : le risque pour la santé des consommateurs relatif à la présence résiduelle de PFOA dans les revêtements anti-adhésifs des ustensiles de cuisson des aliments est considéré comme négligeable.
Ni dans l’article de sa revue, ni dans l’avis lui-même, l’Afssa ne passe sous silence les effets nocifs que peuvent avoir ces molécules, effets qui ne se manifestent pas aux doses extrêmement faibles (600 fois moins que la dose journalière tolérable) auxquelles sont exposés les consommateurs utilisant, même de façon intensive, ces ustensiles de cuisine.
En mars 2009 une organisation militante à prétention scientifique a vu le jour, le Réseau Environnement Santé, dont les principaux membres fondateurs sont WWF France, Fondation Sciences Citoyennes, MDRGF, Fac Verte, Objectif Bio et Nord Écologie Conseil et dont un des animateurs et porte-parole est Monsieur Cicolella.
Le 30 septembre 2009 cette organisation pond un communiqué de presse alarmiste contestant les conclusions de l’AFSSA. Le réseau demande que l'expertise de l'Afssa soit revue et que ces substances soient « retirées dans tout ce qui est en contact avec les aliments ». Le « dossier » de l’association repose pour l’essentiel sur des études dont la présentation qui est faite est incomplète et, en particulier ne précise pas de façon claire si elles concernent des expositions liées à la vie domestique ou à la vie professionnelle. Le dossier argue en outre que les ustensiles de cuisine ne sont pas les seuls sources d’exposition, il faut aussi compter avec l’eau, certains textiles, des cartons alimentaires, certaines moquettes, les poussières domestiques… Il appelle l’attention sur une étude danoise montrant une diminution de la fertilité du sperme chez les hommes les plus imprégnés de PFOA. Dans quelle mesure l’utilisation d’ustensiles de cuisines antiadhésifs a contribué à cette imprégnation, on oublie bien évidemment de le préciser !
Monsieur Cicolella, lanceur d’alerte professionnel, suggère de revenir aux poêles en matériaux classiques, comme la fonte, l'acier ou l'inox.
Le 30 septembre une dépêche de l’AFP reprenant l’alarme de Réseau environnement santé met le feu aux poudres.
Le même jour, Libération.fr se fait l’écho de cette dépêche. Sur le forum, les intervenants se montrent plutôt dubitatifs et goguenards !
Le lendemain, 1er octobre, le Nouvel-obs.com met en ligne un article dont le titre est : L’Afssa épingle les poêles antiadhésives. Exactement le contraire de la vérité. De quoi inquiéter les honnêtes citoyens qui, comme moi, accordent à juste titre leur confiance à l’Afssa.
Le 1er octobre tou jours, Le Monde publie un résumé, d’ailleurs fort bien fait, de la dépêche de l’AFP. Le Monde a le culot de coiffer l’article de Pascale Santi du surtitre : Enquête ! alors qu’il ne s’agit que du résumé d’une dépêche d’agence.
Dans la pièce de Jules Romains, le docteur Knock engrange de fort confortables revenus en faisant croire à ses clients qu’ils sont des malades chroniques. Il a différentes maximes : « Les gens bien portants sont des malades qui s’ignorent. ». « La santé est un état précaire qui ne laisse présager rien de bon. » « Pour ma part, je ne connais que des gens plus ou moins atteints de maladies plus ou moins nombreuses à évolution plus ou moins rapide ».
Autant de formules que Réseau Environnement Santé pourrait reprendre à son compte et transformer en slogans alarmistes : « Les produits inoffensifs sont des produits qu’on ignore être nuisibles. » « L’innocuité d’un produit est une qualification précaire qui ne laisse rien présager de bon. » et « Pour notre part nous ne connaissons que des produits présentant plus ou moins d’effets nocifs, plus ou moins nombreux, à plus ou moins brève échéance. »
Réseau Environnement Santé est le docteur Knock d’aujourd’hui.
Merci à lui d’être plus utile à la notoriété de ses animateurs-militants qu’à l’information éclairée des citoyens et des consommateurs que nous sommes. Merci aussi à la presse de diffuser des informations si peu sérieuses sans conduire de véritable enquête ni même y jeter un simple regard critique.
Sources
à-PROPOS, juillet 2009 / numéro 25
Avis de l'Afssa du 13 mars 2009
Communiqué et dossier de presse de RES
L'article de Libération, Alerte aux poêles à frire
L'article de Nouvel Obs.com, L'Afssa épingle les poêles antiadhésives