Depuis que le loup prolifère de nouveau dans les Alpes françaises, les pouvoirs publics incitent les éleveurs et les bergers d’alpage à protéger leurs troupeaux en utilisant des chiens de protection. La race la plus souvent employée pour cette tâche est le patou, autre nom du chien de montagne des Pyrénées.
Le patou est la race de chien la plus efficace pour protéger les troupeaux des attaques de loups, bien qu’il ne constitue pas une garantie. Élevé très jeune au sein du troupeau il le considère ensuite comme sa famille. S’il détecte un intrus, il aboie et s'oppose à l'intrusion perçue comme une menace, qu'il s'agisse d'un prédateur ou d'un promeneur, par tous les moyens, y compris l'attaque si nécessaire. Très tôt les partisans du loup se sont préoccupés des dangers que les patous présentaient pour les randonneurs.
Deux études ont été conduites par Gilles Le Pape, éthologue, docteur en biologie, maître de conférences à l’université de Tours. L’une en 1998 dans le parc national du Mercantour, l’autre en 2001 dans le parc régional du Queyras.
Elles avaient pour objet de faire le point sur les rapports des chiens de protection de troupeaux ovins et des promeneurs dans ces deux massifs. Elles ont été menées sur la base d’observations des comportements des chiens et des randonneurs et de questionnaires servant à recueillir les opinions de ces derniers. Des traitements statistiques modernes ont été mis en œuvre.
Dans la conclusion de la première étude on lit :
Il est très rare que les promeneurs se disent effrayés. En général, soit ils évitent d’interagir avec les chiens, soit ils ont une réaction amicale avec eux.
Et :
Cette étude contredit donc la réputation de chiens « dangereux » ou « agressif s » parfois faite au chien de protection. Certes il impressionne, mais il ne représente manifestement que peu de danger pour les promeneurs, et on peut dire que sa réputation est souvent surfaite.
Dans la conclusion de la deuxième étude on lit :
Les patous ne représentent manifestement pas plus de danger que tout autre type de chien pour les promeneurs et ne risquent pas de modifier leurs habitudes de randonnée.
Quelques années plus tard, alors que les attaques de loups contre les troupeaux se sont multipliées, rendant la vie des bergers de plus en plus difficile, et que le nombre de patous s’est bien entendu fortement accru (et peut-être aussi celui des randonneurs !), qu’en est-il ?
En 2007 et 2008 en Savoie les incidents se multiplient. Deux affaires se terminent devant le tribunal. Une troisième a failli coûter la vie à la victime.
Dans un jugement prononcé en 2008 à propos d’une attaque de cinq randonneurs, dont deux mineurs, par des chiens patous, à Foncouverte - La Toussuire en 2007, les prévenus sont relaxés du chef de blessures involontaires « car ils se sont comportés en bons bergers » et n’ont commis aucune « faute caractérisée ».
En juin 2008, à Aussois, un chien berger des Abruzzes s'est précipité sur la gardienne du refuge de Plan Sec et l'a mordue à plusieurs reprises au bras et aux cuisses. Rien d'irréparable, mais la victime reconnaît qu'elle a eu la peur de sa vie. « Ça a duré plus d'une demi-heure et j'avais très peur de tomber tellement il été agressif. » En septembre 2008 le procureur a requis une peine d’amende avec sursis contre l’éleveur, alors que dans des affaires similaires aucune peine n’avait jamais été requise. En novembre le tribunal de police relaxe l’éleveur.
Le lundi 28 juillet 2008, près de Termignon, trois chiens ont failli tuer une randonneuse grenobloise de 53 ans. La victime a été lourdement mordue à l'épaule droite et aux deux jambes. Les chiens l'ont traînée sur le sentier. Une personne alertée par ses appels au secours a frappé les patous avec un bâton de marche pour leur faire lâcher prise. Évacuée par hélicoptère, la victime a été opérée pendant trois heures et demie. Les mêmes chiens auraient été impliqués dans au moins une attaque grave dans les jours qui ont précédé.
Ces accidents et ces procès émeuvent élus, responsables du tourisme, éleveurs… qui y vont de leurs déclarations, interpellations des Ministres, etc.
On apprend du directeur du développement à l’Agence départementale du tourisme qu’on compte environ 700 patous dans les Alpes. On estime que 15 % environ ont déjà mordu un humain au moins une fois. Les offices du tourisme de Haute-Maurienne sont submergés par les récriminations.
Se pourrait-il qu'un éthologue, docteur en biologie, maître de conférences à l’université de Tours, travaillant pour le programme Life Loup, ait pris ses désirs pour des réalités ?
NB En réaction à toutes ces affaires, Philippe Yolka, professeur de droit à Grenoble, pense qu’il se trouvera bien un jour, à la suite d'une condamnation, quelque éleveur - ou, plus sûrement, quelque assureur - pour se retourner contre la puissance publique afin de lui faire régler l'addition, au nom de l'idée selon laquelle l'accident vient certes du chien, mais le chien vient du loup, loup dont la responsabilité de la présence revient à l'État, qui a choisi de le laisser s'implanter dans des espaces restreints et humanisés, sans en mesurer suffisamment les conséquences.
Ceci n'est pas un patou
Bibliographie
Étude Mercantour
Son chien avait mordu une gardienne de refuge : l'éleveur relaxé
Une Grenobloise hospitalisée à la suite d'une attaque de patous
La colère de Claude Ponson, directeur du développement à l'Agence touristique départementale
Parole d’expert : le patou sous l'œil du juriste