Aussi loin que remontent mes souvenirs littéraires, Baudelaire fut pour moi le plus merveilleux des poètes.
A l'époque où Baudelaire écrivait, ainsi qu'à l'époque où je le découvrais, l'écologisme n'avait pas encore commencé de faire des ravages dans les esprits.
Pourtant, dans une lettre de refus à un éditeur, le poète écrivait :
« Mon cher Desnoyers, vous me demandez des vers pour votre petit volume, des vers sur la nature, n’est-ce pas ? sur les bois, les grands chênes, la verdure, les insectes – le soleil, sans doute ? Mais vous savez bien que je suis incapable de m’attendrir sur les végétaux, et que mon âme est rebelle à cette singulière Religion nouvelle qui aura toujours, ce me semble, pour tout être spirituel, je ne sais quoi de schocking. Je ne croirai jamais que l’âme des dieux habite dans les plantes et, quand même elle y habiterait, je m’en soucierais médiocrement et considérerais la mienne comme d’un bien plus haut prix que celles des légumes sanctifiés. »
Si Baudelaire a ressenti le besoin de s'exprimer en ces termes c'est que, déjà de son temps, l'animisme était de retour. On ne dira sans doute jamais assez ce que le romantisme allemand, une des sources idéologiques de l'écologisme moderne, a pu charrier en la matière.
Il me plairait bien que les ironiques légumes sanctifiés deviennent l'emblème du combat contre le néo-animisme d'aujourd'hui.